Interview

Rencontre d'Alice Tourlonias cofondatrice de NOCNOC


Antoine Matta et Alice Tourlonias I 18 Mars 2021

1/ Quel est le problème d'origine à résoudre que vous avez identifié et qui a lancé le projet ?

L’idée de NOCNOC est née car je n’avais pas de quoi payer mon loyer durant mon stage à Paris en 2014. Je me suis mise à louer mon appartement sur Airbnb pour m’en sortir. J’ai eu un coup de foudre pour le home sharing et me suis dit que c’était une aberration que ce ne soit pas légal alors que le problème que je rencontrais concernait une énorme partie de la population et que la solution était sous nos yeux.

En 2014 Airbnb était en plein boom en France donc j’ai surfé sur la vague des possibles qu’ils avaient créé.

2/ Quelle est la solution / le concept que vous proposez pour y répondre ?

À l’époque j’avais peur que mon propriétaire découvre que je faisais de la sous-location sans lui avoir demandé d’autorisation et me mette dehors du jour au lendemain. L’idée de départ de NOCNOC était donc de légaliser le home-sharing en allant démarcher les propriétaires et en leur faisant ajouter une clause autorisant sous location à leurs baux avec les étudiants contre une petite rémunération.

Globalement, les propriétaires étaient partants, mais le business plan n’était pas viable. Il aurait fallu faire un volume énorme pour qu’il le soit donc que je développe une appli et lève des fonds immédiatement pour recruter une équipe et faire de la communication.

Je n’avais ni les sous, ni la motivation, je voulais commencer tout de suite, j’adorais le home sharing et c’était juste ultra rentable donc je me suis dirigée vers un modèle de conciergerie plus classique où je m’occupais des biens de propriétaires qui avaient leur appartement sur Airbnb contre une commission.

3/ Comment avez-vous lancé le projet ?

Ça s’est fait tout seul, j’en vivais avant même que les statuts ne soient déposés au final.

J’ai bossé un an sur la création de l’image de marque et de son ADN, mettre à plat tout ce que je voulais avant de poser les statuts. Donc de 2015 à 2016, je faisais de la compta chez mon père 2 jours par semaine et j’avais mon appartement qui tournait sur Airbnb à côté pour payer ça.

2016 j’ai posé les statuts en janvier, fais ma demande de carte de gestion immobilière, mis la première annonce sur Airbnb pour gérer des appartements à Lyon et en mars j’étais débordée. Je me suis associée avec un pote, Paul Lebas, avec qui je parlais régulièrement du projet et qui adorait la gestion et le développement là où moi j’étais très opérationnelle et création.

On s’est rapidement concentré sur les grands appartements, parce que c’était une niche, personne ne faisait ça, ça collait avec notre idée du partage et de la convivialité, la demande était là et la rentabilité était 5x plus élevée que sur les petits appartements.

Ensuite, on s’est mis à proposer uniquement des loyers fixes aux propriétaires et c’est là qu’on a trouvé notre rythme de croisière (gros gros merci à mon associé Paul Lebas pour cette idée).

Comment avez-vous été accompagné pour la création de votre entreprise ?

Sur les conseils stratégiques ; au tout début par mon copain de l’époque (Sebastian si tu me lis thank you !), ensuite par mon associé Paul, après par l’incubateur de Kedge puis par nos investisseurs (3 Business Angels propriétaires d’une grosse boite de nettoyage industriel à Lille rentrés au capital en 2018 après qu’on ait trouvé notre modèle).

Au quotidien par mon copain actuel , qui est également mon mari et le père de ma fille Louise née en 2020. Soutien indispensable et source inépuisable de bons conseils et d’amour.

Sur l’opérationnel pur ; par les équipes d’auto-entrepreneurs qui m’aidaient pour le ménage, l’accueil et les problèmes dans les appartements. Je n’avais pas du tout les moyens de salarier à l’époque et ça créait une proximité qui est différente de celle du statut patron / employé que je vis aujourd’hui.

4/ Pourquoi êtes-vous entrepreneur, et pas salarié ?

La liberté, la diversité des missions, les défis au quotidien, toujours chercher comment s’améliorer, comment s’entourer, à qui demander le bon conseil pour faire grandir la boîte… c’est passionnant.

Je n'avais jamais bossé dans des startups, peut-être que ça m’aurait plu, mais l’univers de l’entreprise classique ultra hiérarchisée qui te demande de faire du présentéisme et d’être expert en un domaine et surtout de te taire sur les autres sujets est devenu ma hantise ultra rapidement. J’ai senti le besoin irrépressible d’échapper à ça, c’était limite une question de vie ou de mort.

Il y a aussi un truc un peu mégalo dans l’entrepreneuriat je dois dire, le sentiment que tu ne seras jamais rémunéré à la hauteur de la globalité de tes compétences et que tu as plus à donner que ce que tu demandes ton patron. C’est très difficile de faire valoriser des soft skills rapidement en entreprise quand tu es jeune et que tu n’as pas fait les études qui correspondent. J’ai fait hypokhâgne et une licence de droit et de science politique avant de décider de faire un master de management donc rien ne me destinait vraiment à ça.

5/ Quel est l'avancement de l'entreprise aujourd’hui / bilan ?

On vient d’acheter notre premier immeuble, un hôtel de 22 chambres en plein cœur de Montpellier qu’on transforme en 6 grands appartements, c’est un sacré aboutissement.

On est présents dans 8 villes : Lyon, Marseille, Lille, Toulouse, Montpellier, Nantes, Bordeaux, Grenoble.

En tout, on gère 82 appartements dont le double en cours de négociation, 350 chambres, 5 Immeubles NOCNOC, 3 à Lille, 1 à Lyon et 1 à Montpellier (dont on est propriétaires héhé !).

On a une équipe incroyable de 22 salariés ultra motivés et plein d’idées pour faire grandir la boite.

En termes de chiffres, on a fait 3,3M€ de CA l’année dernière après avoir dû essuyer la perte de la moitié de notre CA en 2020 avec le covid. Cette année, on va atteindre les 6M€ de CA. Une remontée inespérée après une telle traversée du désert.

6/ Les suites du développement / les prochaines étapes envisagées ?

Aujourd’hui, on fonctionne essentiellement en termes d’immeubles c’est plus facile à exploiter pour nos équipes, c’est mieux pour notre image de marque et c’est plus intéressant pour les investisseurs. On leur propose de plus grosses rentabilités que sur un mini appartement.

On va ouvrir Nice et Paris et why not une capitale européenne ?

On se dirige vers ce que font les hôtels, au final on n'a rien inventé mais c’est la vie, ce sont des cycles et c’est super important que les générations futures s’approprient et comprennent le monde dans lequel elles vivent en venant questionner l’ordre établi.

7/ Quel apport personnel et partage d'expérience en tirez-vous ? Quels enseignements pour vous ?

Que rien n’est jamais figé, rien n’est acquis, il faut toujours garder les pieds sur terre et avoir un plan b. Il faut savoir saisir les opportunités quand elles se présentent. Qui ne tente rien n’a rien.

Qu’il est super important de garder une vision 360 des problèmes pour essayer d'être le plus juste possible dans ses prises de décisions.

Qu’il n’y a pas de problème sans solution.

Que rien n’est grave.

Qu’il est primordial de mettre son ego de côté au service du collectif si on veut qu’une société fonctionne et ça, c’est très dur quand on est jeune.

Que j’ai de la chance énormément de chance.

Que je devrai m’arrêter là parce que l'entrepreneuriat est une leçon de philosophie permanente !

8/ Quels conseils donnez-vous à ceux qui ont envie de se lancer dans l'entrepreneuriat ?

Go go go !

On ne perd jamais, soit on gagne sois on apprend (attention c’est de Nelson Mandela pas de moi) et c’est une des phrases qu’on a choisi de se répéter souvent avec les équipes pour se rebooster quand on traverse des épreuves difficiles. Il y a aussi « sois gentil pas méchant c’est pas gentil d’être méchant » de Doui dans Malcolm qui marche très bien et nous permet d’essayer d’être sérieux sans nous prendre au sérieux.